Interview de l'Environment Artist de Dishonored
Je ne suis pas un grand passionné de jeux vidéo mais si il y a bien deux jeux vidéo qui m'ont marqués ce sont Minecraft et Dishonored ! Pour ce dernier j'ai été gâté par le destin puisque j'ai eu la chance de pouvoir discuter avec Yannick Gombart, un Environment Artist du célèbre studio de jeux vidéo français Arkane Studio, qui a contribué à la réalisation de Dishonored ainsi que le deuxième opus dont la sortie est prévue pour automne 2015.
Il m'a montré ses art-work, et je suis tombé complètement amoureux (de ses dessins, pas de lui ;-) ).
Je lui ai donc proposé une petite interview pour présenter son métier et vous partager son fabuleux travail, ce qu'il a tout de suite accepté. Si ce genre d'interview vous plait faîtes le nous savoir, nous irons à la rencontre d'autres personnes du métier du jeux vidéo pour vous les faire découvrir d'une nouvelle manière !L'interview a été réalisé avant l'annonce de Dishonored 2
[divider] INTERVIEW [/divider] - Bonjour, qui es-tu et que fais-tu dans la vie ?Je travaille comme "environment artist", c'est à dire que je réalise des décors en 3D pour les jeux vidéo. C'est un travail que je fais depuis 15 ans comme salarié.
- Quel est ton métier et en quoi consiste-t-il au quotidien ?
Les "env artist" ont pour mission de réaliser l’intégralité des objets du jeu, mais aussi les murs et les sols. Dans certaines sociétés, ils ont aussi pour tâche de les assembler pour composer le décor. Ce n'est pas le cas là où je travail car c'est une autre équipe distincte qui s'en occupe. Souvent, avant de me lancer sur une tache, je reçois un "concept": C'est un dessin 2D qui représente l'objet à réaliser. C'est le "concept" qui définit le design.
D’après ce dessin, et aussi parfois d’après les recommandations des game designers, Je vais commencer par modéliser l'objet. Il est généralement modélisé en 2 versions:
- Une version avec peu de polygones (dite "low poly") qui sera celle vu dans le jeu. - Une version plus détaillée (high poly) semblable à celle que nous aurions dans un film au cinéma
Cette 2ème version plus définie ne servira qu'à calculer des textures qui vont simuler des volumes supplémentaires sur l'objet. Ce sont ces textures qui donneront au joueur l'impression que l'objet est très détaillé alors qu'il ne l'est pas énormément, pour des raisons d'optimisation. La 3D d'un jeu vidéo doit pouvoir tourner en temps réel et donc être plus "légère" que celle du cinéma.
Mon dernier travail sur l'objet consistera à peindre des textures pour simuler les différents matériaux qui le composent. Certaines textures lui donnent ses couleurs, d'autres ses brillances.
- À partir de quand t'es-tu intéressé au milieu du graphisme et 3D ? Y a-t-il eu un élément déclencheur ?
J'ai toujours joué aux jeux-vidéo depuis très jeune. J'ai suivi des études artistiques sans être sûr de ce que je voulais faire ensuite.
Quand l'occasion s'est présentée de pouvoir intégrer un studio de jeux-vidéo, j'ai sauté sur l'occasion.
À ce moment là, je ne connaissais même pas la 3D. Mais c'était une autre époque. La 3D était simpliste et comme le studio où j'étais embauché travaillait sur un logiciel "maison", j'allais devoir l'apprendre de toutes façons. J'ai donc appris sur le tas.
- Quelles études as-tu faites ?
J'ai fais l'école de dessin Emile Cohl. C'est une école très généraliste. Il existe maintenant des écoles plus spécialisées dans la 3D et en particulier celle du jeu vidéo. La façon dont j'ai été recruté à l'époque serait aujourd'hui impossible. Le métier s'est complexifié. On demande aux jeunes recrues des connaissances importantes et un portfolio digne de ce nom.
- Une fois les études finies... le monde du travail ! Quel fut donc le premier projet (jeu ?) sur lequel tu as travaillé ?
Le premier jeu sur lequel j'ai travaillé, c'était "Need for speed Porshe Challenge" sur PS1. Une bonne expérience, mais pas la plus fun. À l'époque, 250m de circuit pesait 250 polygones. Les arbres n'étaient pas modélisés, c'était des sprites. Dans les jeux d'aujourd'hui, il y a souvent plus de 250 polygones dans un objet de 10 ou 15cm...
-Dans quelles entreprises ou quels studios as-tu été ?
J'ai été salarié pendant 10 ans dans une société qui s'appelait "Étranges Libellules". On y faisait de la prestation graphique pour d'autres sociétés, puis quelques années plus tard, on y a développé nos propres jeux, qui étaient des licences.
Je les ai ensuite quitté il y a 5 ans pour Arkane Studios chez qui je suis toujours employé aujourd'hui.
- Pour quels jeux as-tu participé à la réalisation et lequel fut le plus agréable à réaliser ?
J'ai travaillé sur beaucoup de petits jeux à licence au départ: 3 épisodes d' "Asterix" sur PS2, un "Spyro le dragon" aussi...
Le jeu qui m'a procuré le plus de plaisir à l'époque, c'était "Arx Fatalis" sur PC. Je n'étais pas encore chez Arkane à ce moment là, mais j'avais travaillé sur les décors de Arx comme prestataire graphique chez Étranges Libellules.
Ça a été une expérience géniale qui m'a donné envie de rebosser avec ces gens là quelques années plus tard.
J'ai alors travaillé sur Dishonored qui a été une prod très agréable.
- Tu as donc travaillé sur Dishonored, le jeu phare d'Arkane Studio: dis-nous en plus.
La prod a duré quelque chose comme 3 ans. L'univers graphique s'est mis en place au fur et à mesure.
Nous avions 2 directeurs artistiques: Sebastien Mitton et Victor Antonov. Ce dernier était déjà connu pour de nombreux designs graphiques dans le monde des jeux vidéo et du cinéma (C'est le créateur de la cité 17 de Half-life 2 par exemple).
C'est Victor qui a défini les grandes lignes de Dunwall et qui a désigné certains éléments emblématiques comme la "cable car" du régent que j'ai du ensuite réaliser en 3D.
L'alchimie entre les 2 DA a très bien fonctionnée.
Certains aspects du jeux sont parfois arrivés en cours de route.
Au départ, nous étions parti sur un rendu réaliste, puis on s’en est éloigné pour faire quelque chose de plus personnel. L’univers s’est mis en place petit à petit.
Le layer « métallique » que l’on retrouve dans toute la ville a par exemple été ajouté pour accentuer le coté oppressant de la dictature en place.
- Combien de temps a-t-il été nécessaire pour réaliser ce coffre-fort issu de Dishonored ?
Difficile à dire car j'ai travaillé sur cet asset il y a déjà 3 ans. D'une manière générale, en fonction de leur complexité, les objets peuvent prendre entre 3 jours et 3 semaines pour être finalisés.
Certains d'entre eux sont parfois très simples, comme un tapis ou des touffes d'herbes..., d'autres vont poser des problèmes liés à leur rendu, leur complexité ou leur taille.
- Je suppose que tu as joué au jeu une fois fini, n'est-ce pas étrange de se dire que tu y as participé et que les objets que tu vois sont pour beaucoup tes créations ?
En jouant on oublie un peu le travail :)
Mais on prend plaisir à re-découvrir ses objets et ses textures sous un angle différent et avec plus de recule. Et puis c'est toujours magique quand il s'animent, comme la baleine des DLC par exemple, que j'avais refaite pour l'occasion,
- Combien de temps passes-tu en moyenne sur un jeu ?
Entre 6 mois, 1 an pour une petite prod PS2 à l'époque et 3 ans maintenant sur un plus gros jeu AAA.
- Quels sont les projets en cours ou à venir ?
Eheh, ça je n'ai malheureusement pas le droit d'en parler, mais il y aura vite des news ;)
Au moment de l'interview Dishonored 2 n'avait pas encore été annoncé
- Pour finir, as-tu un conseil à donner à quelqu'un qui voudrait se lancer dans le milieu ?
Le seul conseil que je pourrais donner, c'est d’être passionné et courageux car c'est un travail très prenant !
Merci beaucoup Yannick !
[divider] En savoir + [/divider]
Commentaires
Personne n'a encore commenté cet article, à vous de jouer !